Bonjour à tous,
Je viens vous parler de ma dernière lecture, un roman jeunesse qui fait déjà beaucoup parler de lui aux États-Unis où il a été écrit et publié. J’ai réussi à attiser votre curiosité ? Alors, c’est parti !
Ce roman, c’est The Hate U Give (La Haine qu’on donne) d’Angie Thomas paru aux éditions Nathan (laquelle maison d’édition nous a très gentiment proposé de le découvrir en avant-première). Il évoque un thème qui fait, hélas, régulièrement l’actualité aux États-Unis.
The Hate U Give : De quoi ça parle ?
Nous suivons Starr, une jeune fille de seize ans, noire, qui vit dans un ghetto au quotidien rythmé par la guerre des gangs, le trafic de drogue et les descentes de police. Scolarisée dans un lycée blanc (et riche), à l’extérieur de son quartier, elle est contrainte de faire le grand écart entre ces deux mondes, ce qui lui demande un effort constant. Malgré tout, elle arrive à trouver sa place et bénéficie de l’attention d’une famille présente et aimante.
Tout vole en éclat le soir où son ami d’enfance est tué sous ses yeux de trois balles dans le dos par un policier trop nerveux. Alors que le quartier s’embrase en de violentes émeutes, Starr s’interroge : doit-elle se taire pour se préserver et éviter de subir les foudres de la police ou des gangs du quartier ? Doit-elle au contraire prendre la parole pour dénoncer ce qui est arrivé à son ami ?
The Hate U Give : Pourquoi faut-il lire ce livre ?
- Pour la puissance de son sujet
J’avoue que je suis toujours épatée par l’inventivité et les prises de risque de la littérature jeunesse. En s’attaquant à une telle thématique, aussi lourde, Angie Thomas n’a pas reculé devant les difficultés. Et force est de constater qu’elle le fait avec beaucoup de subtilité, à travers des personnages attachants qui ne sont pas manichéens (pour la première fois dans un roman raconté du point de vue d’une adolescente, j’ai un faible pour les… parents, toujours très drôles et très aimants). S’il n’est évidemment pas question de discuter la réalité, la gravité et l’injustice de l’assassinat auquel Starr a assisté, l’auteure lui a donné un oncle policier qui nous aide à prendre du recul.
En bref, The Hate U Give s’inscrit dans la droite lignée du mouvement « Black Lives Matter » qui rappelle qu’il existe un racisme endémique aux États-Unis et nous interroge aussi sur le traitement médiatique de ces assassinats de jeunes Noirs (souvent désarmés) par des policiers blancs. Des thèmes qui dépassent cependant l’Amérique car nos sociétés européennes sont bien loin d’être exemptes de ce racisme…
- Pour son originalité
J’ai énormément lu de littérature jeunesse quand j’étais adolescente et j’ai honte mais… je n’ai pas le souvenir d’avoir suivi des héroïnes noires. Les choses ont changé (et sont toujours en train de changer), heureusement, et ça fait tout de même un bien fou de voir s’exprimer une jeune héroïne noire et de pouvoir s’identifier à elle.
J’ai aussi eu l’impression de dépasser la vision clichée des lycées américains que l’on nous propose à longueur de temps dans les livres ou les séries télévisées pour accéder à une véritable tranche de vie d’une jeune Américaine. Ainsi, pour citer un exemple, loin des poncifs autour de l’amitié « éternelle », Starr n’hésite pas à rompre une vieille relation un brin toxique pour se préserver et parce qu’elle ne partage plus les opinions de son amie. Et j’ai trouvé ça terriblement réaliste !
- Pour son optimisme
Je ne vous le cache pas, tout ne se termine pas bien et ce n’est pas le but de nous présenter la vie dans le ghetto de façon idéalisée. Malgré l’injustice et les difficultés financières, il est très touchant de voir les habitants du quartier se serrer les coudes, essayer de faire évoluer les choses et aider Starr. On ressort de ce roman non seulement avec la gorge serrée parce que tout ne s’arrange pas d’un coup de baguette magique, mais aussi avec un optimisme inébranlable parce qu’il est possible de faire changer la situation. On a envie d’y croire.
D’ailleurs, j’ai énormément apprécié les échanges entre les jeunes « de banlieue » et le petit ami blanc de Starr (même si l’histoire d’amour est un peu superflue). Malgré quelques références différentes, on se rend compte qu’ils partagent un fond de culture commune à travers des sujets que l’on jugerait dérisoires (Harry Potter, Prince de Bel-Air) mais qui ne le sont pas tant que ça. J’ai vu ça comme une vraie note d’espoir : va-t-on vers de plus en plus de compréhension entre ces deux mondes ? En tout cas, le dialogue est possible, la vie en commun aussi.
- Pour sa langue
Je suis obligée de saluer le travail de la traductrice qui a dû être bien compliqué ! La force de ce roman réside aussi dans le fait que Starr parle notre langue : elle utilise des mots d’argot, est parfois abrupte et ne met pas toujours les négations dans ses phrases. Mais justement, on a l’impression que c’est elle qui nous parle directement, avec beaucoup de réalisme.
- Pour la progression de son héroïne
The Hate U Give se rattache à un genre très classique de la littérature : le roman d’apprentissage. Starr grandit et en se confrontant au monde extérieur, en apprenant à prendre la parole, à s’exprimer et à prendre ses propres décisions, elle devient adulte.
Plus encore, Angie Thomas nous raconte l’histoire d’un éveil au militantisme. Starr a envie de faire changer la société et veut se révolter. C’est très puissant – et aussi un peu frustrant car la fin est presque trop abrupte. J’ai terriblement envie de retrouver une Starr encore plus engagée dans son métier ou dans une association quelques années plus tard pour la voir continuer à se battre pour ses amis, son quartier et contre l’injustice.
- Rien que pour… son titre : The Hate U Give
Je ne connais pas grand-chose à la culture noire américaine… mais par un pur hasard, dans le cadre de mon boulot, je me suis retrouvée à travailler sur l’histoire du rap et sa naissance dans le ghetto new-yorkais au moment même où j’entamais ce roman. J’ai apprécié de retrouver toutes ces références à cette culture si riche qui mériterait d’être plus connue. Angie Thomas ne nous offre pas toutes les explications sur un plateau mais elle nous encourage à aller plus loin et à faire nos propres découvertes.
D’ailleurs, l’auteure, avec son titre, nous rappelle fort à propos ce qu’est exactement la « Thug life » du rappeur Tupac (ou 2pac). Aujourd’hui, dévoyé et employé après un geste courageux ou badass, ce terme était à l’origine politique comme l’explique l’ami de Starr. « THUG » vient justement de ce début de phrase « The Hate U Give… », dont je ne dévoile pas la suite ici pour vous donner envie de le découvrir vous-même ! Mais cette phrase qui pourrait être le résumé du roman nous rappelle l’importance de la bienveillance, du respect et de la tolérance.
Alors mon verdict sur The Hate U Give ?
Courrez-vous procurer ce livre ! Le bruit autour de lui est amplement mérité et s’il y a quelques (petites) longueurs et une fin un peu abrupte, vous ne sortiez pas indemnes de ses moments d’émotion. D’ailleurs, Hollywood ne s’y est pas trompé, une adaptation du roman est sortie au cinéma (The Hate U Give, la haine qu’on donne) 🙂
Bonne lecture à vous et à très vite.
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