Chère lectrice, cher lecteur,

Le lundi 4 mars 2019, j’ai eu la chance d’assister à un événement exceptionnel à l’occasion de la sortie en poche du dernier livre de Ken Follett, Une Colonne de feu. J’ai en effet été invitée par Le Livre de Poche (merci à eux !) au collège des Bernardins à Paris pour un échange avec l’auteur en personne.

Doit-on encore présenter Ken Follett ? Référence incontournable pour le roman historique, cet écrivain anglais a publié nombre d’ouvrages qui sont devenus des best-sellers, vendus à des millions d’exemplaires dans le monde et régulièrement adaptés au cinéma ou en série télévisée. On peut citer des livres comme L’Arme à l’œil ou encore Les Piliers de la terre où Ken Follett nous emmenait pour la première fois dans la petite ville anglaise (inventée) de Kingsbridge pour partager le quotidien des bâtisseurs de cathédrales.

Un échange exceptionnel

Pour organiser cette rencontre, le Livre de Poche aurait difficilement trouvé mieux que le collège des Bernardins. Cet endroit est un ancien collège médiéval de l’ordre cistercien, fondé au XIIIe siècle par un frère anglais pour servir de logement aux Cisterciens venus étudier à l’université de Paris, alors la plus réputée d’Europe. Il fallait bien un endroit chargé d’histoire pour accueillir Ken Follett, lui qui a plongé ses millions de lecteurs dans des époques plus ou moins anciennes.

Bien installés dans l’auditorium, nous avons donc vu arriver un vieux monsieur très élégant dans son costume, en compagnie de sa traductrice (qui ne lui a été presque d’aucune utilité tant il parle un français excellent). Visiblement rompu à ce genre d’exercice, il a mené l’échange d’une main de maître pendant une bonne trentaine de minutes pour répondre aux questions de l’assistance, non sans faire preuve de beaucoup d’humour. L’occasion de mieux connaître Une Colonne de feu, ses intentions avec ce roman mais aussi son processus d’écriture. Voici quelques éléments de notre discussion, en espérant que cela vous donnera envie d’ouvrir un roman de Ken Follett si ce n’est pas encore fait – et que vous serez tout autant sous son charme que je l’ai été !

Un travail de longue haleine

Une Colonne de feu est le fruit d’une longue gestation. En effet, ce récit nous fait voyager dans toute l’Europe du XVIe siècle. L’écriture a donc demandé beaucoup de recherches de documentation à Ken Follett : « ne pas savoir bride mon imagination », nous a-t-il expliqué en nous montrant des images de ses voyages. En effet, il a lui-même parcouru les pays traversés par ses personnages pour s’imprégner des lieux, des ambiances et des détails d’une architecture ou d’une rue. A Paris, il a ainsi parcouru les rues adjacentes à la cathédrale Notre-Dame de Paris avec un ami historien qui lui commentait tout ce qui avait changé depuis le XVIe siècle.

Mais cela ne suffit pas, bien sûr : Ken Follett a aussi lu, selon ses propres dires, 228 livres d’histoire sur cette période, à la fois pour être certain de ne pas faire d’erreur mais aussi pour nourrir son imaginaire, pour connaître les possibles de ses personnages.

On s’en doute, avec une telle masse de travail, Une Colonne de feu (qui fait plus de 900 pages en poche !) ne s’est pas écrit en un jour. Ken Follet aura mis trois ans pour en arriver au bout. Comme il nous l’a raconté, il a débuté avec un plan détaillé d’environ 7 pages, nourri pendant une année par ses voyages et ses recherches. Il a ensuite rédigé un premier jet pendant un an, avant de l’envoyer à des relecteurs historiens ou non ainsi qu’aux éditeurs. C’est à partir de leurs remarques qu’il a ensuite écrit la version définitive, une « vraie réécriture sur un nouveau fichier » pendant la troisième année. Et ce, tout en poursuivant ses recherches, car « il y a toujours à apprendre » !

Un roman épris de liberté

Pour sa Colonne de feu, Ken Follett a choisi une période de l’histoire troublée. Ce XVIe siècle qu’il décrit, c’est celui des guerres de religion, pendant lequel l’Europe est à feu et à sang en raison des conflits entre catholiques et protestants.

Un thème cher au cœur de l’auteur, comme il l’a dit lui-même. Le petit Ken Follett a en effet grandi dans une famille puritaine (protestante) au Pays de Galles où beaucoup de choses lui étaient interdits. Ses lectures, notamment, été contrôlées.

Mais au-delà, ce sujet parle à tout le monde. En effet, les personnages fictionnels de Ken Follett se battent pour leur liberté dans un monde où cela n’a rien d’évident. « C’est rare d’être libre dans l’histoire », nous a asséné Ken Follett, tout en expliquant que tous ses romans sont reliés par cette obsession : comprendre comment la liberté s’est imposée. Les lecteurs se mêlent ainsi de la grande marche de l’histoire et comprennent mieux le monde actuel.

Si Une Colonne de feu se déroule dans toute l’Europe, le personnage principal est anglais et travaille dans les tous nouveaux services secrets de la jeune souveraine anglaise, Elisabeth Ière. Pour Ken Follet, c’est aussi coller à notre actualité puisque son livre parle de l’avènement de la reine, d’une femme puissante dans un monde masculin.

Être écrivain selon Ken Follett

Mais au-delà de cet engagement dans l’actualité, Ken Follett cherche à transmettre dans tous ses romans « un plaisir et une excitation aussi intenses » que ce qu’il a ressenti en lisant Ian Fleming ou Shakespeare dans son enfance. C’est avec ces ouvrages qu’il a appris à être écrivain : il doit faire passer le lecteur par tout le spectre des émotions, douleur incluse. Pour cette raison, Ken Follet ne cherche pas à atténuer la violence physique dans ses romans. « La violence n’est pas un jeu », elle doit être réelle, même pour le lecteur.

Un bon roman est donc celui qui fait naître « un phénomène d’enchantement ». Il y a bien une sorte de magie à se perdre dans une histoire !

En tout cas, Ken Follet a beau atteindre ses 70 ans, il n’a pas l’intention de reposer la plume de sitôt et continue à fourmiller d’idées. Il continuera d’ailleurs à nous faire explorer l’histoire de sa ville, Kingsbridge, puisqu’il rédige actuellement un livre qui s’y déroule mais… durant l’an mil. En attendant, il nous reste plus qu’à vous perdre dans Une Colonne de feu !